Marie Roland

Portrait étudiant

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Je suis en 2ème année à l’École Média Art. J’ai rejoint EMA juste après mon Bac à Dijon où j’avais une spécialité danse, théorie et pratique. J’avais fait un peu d’arts plastiques plus jeune mais sans spécialisation particulière. Pourtant je ne me projetais pas ailleurs que dans une École d’Art ! Je souhaitais me rapprocher de la scénographie sans pour autant partir dans un cursus trop spécialisé comme à l’ENSATT. Je voulais aussi garder une approche artistique généraliste le plus longtemps possible.

J’aime la notion de hasard heureux, quand certains projets vont plus loin que d’autres, comme le projet Picasso au cube : une équipe du musée Picasso est venue nous rendre visite et nous proposer un projet avec sept autres Écoles d’Art de Paris, Strasbourg et autres, dans diverses catégories. Après une conférence, nous avons été sollicités en groupe pour un travail. J’ai choisi une relecture de son œuvre par la danse pour détourner une réponse visuelle plutôt que de partir sur un travail graphique. Je n’allais pas me mesurer à Picasso sur son propre terrain ! Je voulais réinterpréter son travail. C’était un challenge pour moi car je devais danser devant un caméraman. Un camarade m’a aidé et j’ai ensuite fait le montage, en surmontant quelques difficultés techniques. J’ai passé beaucoup de temps sur ce projet, en allant au fond des choses. C’est très formateur d’être exigeant avec soi-même. C’était aussi intéressant de communiquer avec l’équipe du projet qui nous guidait. Ce n’est pas évident de développer une pièce avec des regards extérieurs mais au final, mon projet a été publié sur le site hébergeant le Webdocumentaire, sous une forme un peu différente de celle que j’imaginais. La méthodologie d’un projet et ses phases de validation est aussi quelque chose de très instructif. J’ai été étonnée et fière de la reconnaissance qui a suivi ce projet. Je crois qu’on lutte souvent avec la légitimité de ce qu’on fait, de son niveau alors qu’il faut se concentrer sur l’action, le message et l’expérience que l’on veut faire vivre. À EMA nous sommes cernés par les regards critiques, c’est un peu déstabilisant au départ mais cela se révèle être tellement plus formateur qu’un environnement où tout le monde s’en fout !

Je crois que je m’interdisais de me mettre en scène avant alors que maintenant je m’autorise à puiser dans mon vécu pour alimenter mon propos. Je suis sorti un peu du divertissement anonyme. Je me méfie de l’égocentrisme mais je m’intéresse au côté universel de ce qui peut nous arriver. C’est avec cet angle que j’ai voulu créer une installation après la mort de mon père par exemple. C’était violent et j’ai rassemblé beaucoup de matière rédactionnelle, des lettres de condoléances, de la correspondance, des mots d’enfants. J’en ai sélectionné 10 que j’ai classés par ordre chronologique, avant, pendant et après son départ. Comme une forme d’étude sociologique du rapport au deuil, que j’ai appelé “Puzzle”. Les mots utilisés, la distance… J’ai enregistré des camarades de l’école en train de lire ces lettres et cartes sans leur expliquer leur raison d’être, dès la première lecture. J’ai diffusé cet enregistrement dans le couloir de l’installation. Les réactions étaient très fortes, on touchait au pathos, alors que ce n’était pas mon objectif premier, qui était la confrontation entre les lettres elle-mêmes et des inconnus qui en faisaient une deuxième lecture. Les réactions étaient fortes. Moi ça m’a permis d’avancer, en modifiant mon rapport aux autres avec quelque chose qui est difficile à annoncer, mais qui revient à chaque fois que j’intègre un nouveau cercle social.

Cela a été un peu un déclic et je me suis dit que je pouvais utiliser cette matière personnelle. Comme ce que je découvre de moi dans des séances avec mon psy par exemple. J’ai découvert le travail d’Alain Baczynsky qui à l’issue de chaque séance de psychanalyse allait au photomaton le plus proche, immortalisait ce moment en l’enrichissant de quelques annotations sur le cliché. Il a publié un ouvrage ensuite. Je trouve ça génial. J’aime beaucoup Sophie Calle aussi, qui apporte une touche de féminisme et d’autodérision.

Je me prête à l’exercice de l’autoportrait aussi. J’aime beaucoup ce qu’a fait Damien Jibert avec Journal. J’aime mélanger les techniques et commencer plein de séquences, un peu de graphisme, du stop motion, des photos… J’ai du mal à valoriser mon travail, je crois que c’est ce qui me pousse à créer sans cesse. Je n’arrive pas à regarder mes travaux passés sans en voir tous les défauts.

La vidéo et le cinéma m’attirent beaucoup. Je participe un peu au collectif “Le jour du seigneur” initié par Berny, Clément, qui vise à publier une vidéo tous les dimanches. Même si c’est très contemplatif et étiqueté “École d’Art”. Je présente un court métrage à Chalon Tout Court qui vient d’être sélectionné en compétition.

Pour ce qui est du futur, j’aimerais bouger un peu de Chalon après ma 3ème année. J’effectue aussi des stages et des petits boulots, notamment dans un théâtre à Vitry-sur-Seine. Chaque immersion professionnelle est un catalyseur d’expérience, on apprend en accéléré. J’ai donc envie de multiplier les expériences même si j’ai un peu peur de l’avenir de la Culture en France, ce qui ébranle ma foi en l’humanité.

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